Réminiscences d'un voyage en Palestine
En juillet et novembre 2002, le dessinateur
Daniel Maja se rend en Palestine, à la demande du Consulat de
France à Jérusalem et du Ministère palestinien de
la Culture, pour relancer un projet d’écoles de dessin à Ramallah
et à Gaza. Le cinéaste Dominique Dubosc l’accompagne.
Son projet n’est pas de rendre compte de la “mission Maja” (vouée
dès le départ à l’échec en raison du
couvre-feu imposé aux grandes villes de Cisjordanie et des incursions
israéliennes qui ravagent Gaza), mais de construire un film sur
la confrontation de deux regards.
Le film prend forme lentement, longtemps après le voyage, car
Maja, qui ne travaille jamais “sur le motif”, a toujours
besoin de plusieurs mois pour que ses impressions se fondent dans son
imaginaire.
Tout au long du printemps 2003, un jour par semaine, il accepte d’improviser
sous l’oeil de la caméra, dessinant des images qui évoquent à la
fois la Palestine et un fond plus obscur, peuplé de son bestiaire
habituel.
De même, Dominique Dubosc et son monteur passent plusieurs mois
(fin 2003, début 2004) à retravailler les images tournées
sur place : à leur donner une qualité picturale et un fond
sonore (en grande partie imaginaire) qui en font des réminiscences
de ce voyage-là, mais aussi, obscurément, d’autres “histoires”.
Le film qui résulte de ces deux élaborations est la mémoire
d’un voyage, ou plutôt, un voyage dans la mémoire
des deux voyageurs.
La genèse du film
Dans nos ténèbres, il n’y a pas
une place pour la Beauté.
Toute la place est pour la Beauté.
( René Char )
Une chance à courir
A l’origine de ce film comme de la plupart de mes films,
il y a une occasion, c’est-à-dire une chance à courir :
ici, le voyage que devait effectuer le dessinateur Daniel Maja en Palestine,
pour relancer un vieux projet d’écoles d’illustration
soutenu par le Consulat de France à Jérusalem.
Le moment était curieusement choisi, étant donné que
toutes les villes de Cisjordanie étaient sous couvre-feu et que
la «mission Maja» avait donc peu de chances d’aboutir.
Mais, comme on dit, ce n’était pas mon problème.
La chance que je voyais, moi, n’avait pas grand chose à voir
avec cette mission et beaucoup plus avec les dessins de Maja : avec
son surréalisme spontané, avec sa façon d’installer
l’impossible ou l’impensable au cœur de la réalité.
Il m’a semblé que la confrontation de nos regards, l’alternance
entre images filmées et dessins pourrait établir par elle-même,
sans l’aide d’aucun commentaire, que le réel s’étend
toujours sur plusieurs niveaux, qu’il est un voyage permanent
entre ces niveaux.
C’est ce voyage vertical (entre le conscient et l’inconscient,
le visible et l’invisible) plutôt que le voyage horizontal
sur les routes de Palestine, qui constitue le vrai sujet du film, bien
que l’ordre des séquences corresponde à peu près à celui
de nos déplacements sur le terrain.
Le bruit de fond
Même si les dessins de Maja et les images que j’ai
filmées « parlent à différents
niveaux », il est apparu nécessaire au montage d’ajouter,
dans la plupart des séquences, un arrière-plan sonore, quelque
chose qui remue derrière ou en dessous : le bruit, en
quelque sorte, de la partie immergée de l’image, comme on
dit la partie immergée de l’iceberg.
Ce bruit de fond est constitué de sons venus d’ailleurs,
de bruits de machines, de vent, d’animaux… qui soufflent
obscurément sous les sons contenus dans l’image :
qui évoquent quelque chose de plus profond, qui n’est pas
limité à ce lieu ou à cette histoire.
A certains égards, on peut dire que la bande-son constitue le
fil directeur du film, dans la mesure où les images sont discontinues
et souvent entrecoupées de noirs, alors que le son - cet espèce
de souffle du réel - n’arrête jamais.
Les noirs
L’autre décision importante prise au montage est
l’utilisation de « noirs » qui suivent ou
encadrent certains plans ou groupes de plans.
C’est un procédé qui s’est imposé de
lui-même dans le prologue du film, quand certaines images du voyage
me reviennent, associées à des couleurs : le bleu
de la mer, le vert d’une ombre, le blanc des explosions, le rouge
du sang… Ces premières « réminiscences » me
reviennent dans le noir, entre deux plans de la mer vue de ma
chambre d’hôtel à Gaza.
C’est ainsi que certains souvenirs remontent quelquefois :
je regarde par la fenêtre sans penser à rien et « ça
me revient ».
Mais il est bien rare que ces souvenirs prennent la forme de séquences
complètes. Et même quand un souvenir prend une forme séquentielle,
il reste plus ou moins troué.
J’ai donc matérialisé ces trous par des noirs. Pas
des fondus au noir, des noirs cut : des disparitions et
des apparitions. Des ruptures, des ellipses, des transitions si l’on
veut, mais surtout l’étonnant, le merveilleux retour du
réel. L’évidence de la vie, simplifiée par
l’horreur.
Dominique Dubosc
dominique@dominiquedubosc.org
www.dominiquedubosc.org
FILMOGRAPHIE
1968 : Le soleil l'a vu (16mm N & B
- 26')
Une journée d'une famille de paysans paraguayens.
1969* : Manojhara (16mm N & B
- 21')
La léproserie Santa Isabel (Paraguay).
Festivals : TOURS 71, OBERHAUSEN 1972
1970* : Los dias de nuestra muerte (16mm
N & B - 16')
Choses vues dans les mines d'étain de Bolivie.
Prix C.N.C. - Festivals : TOURS 71, CRACOVIE 72
1971 : La Présence (16mm N & B
- 20')
Une observation d'enfants autistes.
1972 : Penarroya : les deux visages du trust (16mm
N & B - 18')
Prix C.N.C. - Festivals : GRENOBLE, LEIPZIG
Un effort d'imagination (Fiction - 35mm
couleur - 13')
Une expérience de psycho-physiologie du travail...
(Sortie en salles 1973)
1973 : Comment se mettre d'accord (16mm
N & B - 45')
Préparation de la grève de Penarroya de 1972.
Non au démantèlement - Non
aux licenciements
(16mm N & B - 40') Les travailleurs de LIP
s'opposent au plan de restructuration de leur usine. Prix C.N.C.
1974 : L'usine est là où sont
les travailleurs (16mm N & B - 50')
Les travailleurs de LIP poursuivent leur lutte.
1976 : LIP ou Le Goût du Collectif (16mm
N & B - 90')
Le conflit LIP, vu de l'intérieur, d’avril 1973 à décembre
1974.
Sortie en salles : avril 76. Festival de CANNES "Un certain regard"
1977 : La cité du cristal (16mm
couleur - 13')
Emission de FR3 sur la cristallerie Baccara.
1978 - 1979 : Mémoires ouvrières (16mm
couleur)
Trois émissions de 52' de l'I.N.A.
1981 : Passages à l'Inde (16mm
couleur - 85')
Histoire d'une séparation.
Festivals : CINÉMA DU RÉEL, BOMBAY 1984
1982 : Dominique (8mm - 30')
Des soeurs (8mm - 30') Portrait
des femmes qui publiaient le journal "Histoires d'Elles" (Columbia
University)
1983* : Marcel et Jacqueline (16mm et
8mm couleur - 3O')
Un couple de travailleurs de LIP évoque le chemin parcouru ensemble.
(Columbia University & Mission du Patrimoine Ethnologique)
1984 : Histoire du syndicalisme (vidéo
- 60')
Film de formation (FORG & R.A.T.P.)
1985 : C'est passé par l'Inde (16mm
couleur - 50')
Version courte de Passages à l'Inde (Prix C.N.C.)
1986* : L'Ecole de la Neuville ou La Réunion
(16mm couleur - 37') La pédagogie institutionnelle dans
le cadre d'un internat de semaine. (Diffusion ARTE)
1987 : Parlons projet (16mm couleur -
18') Des demandeurs de congés de formation s'adressent
au FONGECIF BRETAGNE.
1989* : Le Documentariste ou le Roman d'enfance
(16mm N & B et couleur - 42' KINOFILM & ARTE)
Essai autobiographique. Prix CNC. Festivals : CINÉMA DU RÉEL
1990, LUSSAS 1996
1990* : The letter that was never written (La
lettre jamais écrite)
(HI8 N & B - 55') Essai autobiographique.
(Série LIVE, ARTE)
Festival de ROTTERDAM 1992 – LUSSAS 2005
1991* : Jean ROUCH - Premier Film : 1947
- 1991
(16mm couleur et N & B - 26') Jean ROUCH évoque
ses débuts - et finit son premier film. Festival de FLORENCE
1992
1992 : Visiting Jonas MEKAS (16 mm & Vidéo
N & B - 68')
Rencontre avec Jonas Mekas après la guerre du Golfe.
CINÉMA DU RÉEL 1993
1993* : Duane MICHALS (35mm - 13' Série CONTACT,
ARTE) - Festivals : IV° Biennale de Films sur l'Art - PARIS
1994,
Festival International du Film sur l'Art - MONTRÉAL 1995
1994* : L'Ecoute (Vidéo N & B
- 22')
Une nuit d'écoute à S.O.S. DEPRESSION.
Centenaire (Vidéo couleur - 18')
Le
centenaire de Reid Hall.
1995* : Plans Lumière (Vidéo) Série
de plans fixes d'une minute à la manière des films réalisés
par les opérateurs Lumière.
Festival : LUSSAS 1996
1996* : Le Conflit LIP 1973-1974 (16mm
N & B - 75')
Version TV du "Goût du Collectif".
1997 : Les variations Valentin (Vidéo
couleur)
Fragments de sketchs de Karl Valentin.
1998 : La peau d'Elisa (DV couleur -
45')
Tournage de la pièce de Carole Fréchette en un plan-séquence.
1999* - L'Homosexuel ou la difficulté de
s'exprimer
(DV couleur - 67' - Tournage d'une représentation
de la pièce de Copi - mise en scène par Philippe Adrien,
en 2 plans-séquences.
Sous le Soleil (DV couleur - 15') -
Tournage de la pièce de Philippe Crubézy en un plan-séquence.
2000* - Les News of the day de Jonas Mekas & Célébrations
(DV N & B - 51') Essai autobiographique
et politique.
Festivals : GENTILLY, FILMER À TOUT PRIX 2000, LUSSAS 2001, Côté COURT
2002, TRACES DE VIE 2003, BIENNALE DE VENISE 2005 (dans le pavillon lithuanien)
Les quatre jumelles (DV couleur 60')
Documentaire sur une représentation des “Quatre jumelles” de
Copi.
2001-2002* : Palestine Palestine (DV
couleur 76')
Portrait des Palestiniens pendant la seconde Intifada.
Festivals : CARTHAGE, CHICAGO, AMIENS, FILMER À TOUT PRIX,, TRACES
DE VIES (Prix de la Création)
2002-2004* : Réminiscences d’un
voyage en Palestine
(DV couleur et N&B - 38')
Voyage dans la mémoire d’un voyage.
Festivals : CARTHAGE, TRACES DE VIES (Grand Prix 2004), CHICAGO
(2005), ALBA (2005), PESARO (2005) – Prix du CNC 2004
2005-2006* : Croquis palestiniens
(Installation - DV couleur - 21’) 12 croquis de la Palestine
occupée tournés entre 2001 et 2005.
Histoires et rêves (DV couleur – 38’)
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